Que faire de la CGT ?

Le Parti Communiste Français étant dans la déroute la plus complète, c’est dorénavant la Confédération Générale du Travail qui occupe la place centrale dans le mouvement ouvrier français. La CGT cristallise les affects de tout le spectre politique : elle est, chez les révolutionnaires, tantôt la source de tout malheur, tantôt un horizon indépassable. En donner une analyse totalisante serait un travail colossal hors de la portée de notre organisation encore bourgeonnante. Pourtant, à travers cet article, nous tenterons humblement et à notre échelle de produire une analyse de la situation de la centrale syndicale et des perspectives qui en découlent. Et cela, afin de définir le rôle le plus adapté que nous, militants communistes révolutionnaires, avons à jouer dans cette organisation ou en dehors.

Au sein de Reconstruction communiste, organisation marxiste-léniniste ayant la volonté à terme de devenir un parti de cadres, nous ne nous sommes jamais pensés sans lien avec un ensemble d’organisations de masse. Pour cette raison, nous avons fait le choix de militer au sein de la CGT lors des débuts de notre organisation et même d’impulser un syndicat de travailleurs en formation en son sein. Si nous pensons que l’engagement syndical ne suffit pas à la transformation révolutionnaire de la société, il reste une des armes dont les prolétaires disposent pour défendre leurs conditions matérielles d’existence et constitue souvent une des portes d’entrée vers d’autres formes de politisation. Ainsi, utiliser cet outil avec une vision claire et une ligne définie est un des principaux moyens de favoriser l’émergence de cadres rompus à la lutte. L’engagement syndical représente toutefois un engagement extrêmement chronophage, ainsi que la porte ouverte à des dérives économistes et bureaucratiques dans lesquelles se sont engouffrés nombre de militants voire d’organisations entières se réclamant du communisme depuis un demi-siècle, dérives auxquelles nous avons pu nous-mêmes être confrontés et sur lesquelles nous reviendrons. Nous présenterons plus amplement notre travail et notre vision de celui-ci dans la suite de l’article, mais avant cela, il est nécessaire de proposer un rapide tour d’horizon de la confédération et des forces en présence.

Dans quel état est la CGT ?

Pour commencer un tel tour d’horizon, il est un point surdéterminant selon nous qui nous frappe lorsque l’on commence à s’intéresser à l’état de l’organisation : le profond déficit militant. Nous pourrions même aller plus loin en précisant “le profond déficit de militants formés”. Ainsi, avec une certaine ironie, le premier constat que nous faisons sur la principale organisation de masse du prolétariat en France est celui du manque de cette masse. Le nombre d’adhérents à la CGT a connu un déclin tendanciel depuis les années 1970 : si on s’en réfère aux données des précédents Congrès, la centrale comptait un peu plus d’1 900 000 adhérents en 1980. En 1989, ce nombre s’écroulait à 818 294 adhérents (43ème Congrès) et, de nos jours, c’est seulement un peu plus de 600 000 syndiqués qui cotisent à la CGT. Mais l’érosion de cette masse syndicale n’est pas le seul problème de la structure militante à la CGT ; nous pourrions à juste titre soutenir qu’une organisation qui rassemble autant de membres de nos jours reste une organisation de masse. Or, malgré plus d’un demi-million de syndiqués, peu nombreux sont ceux qui s’emparent pleinement des enjeux qui animent les structures et militent au quotidien, et cela même dans les bastions de la CGT. Au-delà d’un problème dû au nombre d’adhérents, nous devons également pointer du doigt un manque d’engagement militant et de mise en mouvement de la structure par les adhérents.

Lecture : en 2019, 59,3 % des salariés syndiqués de 18 à 65 ans déclarent ne jamais participer (ou participer rarement) aux activités syndicales.
Champ : ensemble des salariés syndiqués de 18 à 65 ans, France métropolitaine.
Source : DARES, février 2023.
Source des données : enquête Insee SRCV 2013 et enquête Conditions de travail 2019.

 

Cette tendance à la réduction des équipes militantes est le pendant de la disparition (ou l’absence) de la CGT dans des pans entiers du prolétariat. Le taux de syndicalisation des intérimaires, des sous-traitants et des professions ubérisées est au plus bas, quand bien même ce sont des secteurs en besoin cruel de défense immédiate et méritant la conquête d’une réelle reconnaissance.

Or, il n’est pas rare d’entendre des cégétistes aguerris dire qu’ils préfèrent se concentrer sur l’emploi stable avant de s’attaquer aux nouvelles formes de salariat, c’est-à-dire aux contrats atypiques ou aux secteurs instables vis-à-vis de l’emploi, et d’évoquer cette difficulté comme un mur infranchissable. Nous pensons, à l’inverse, que la CGT doit être en mesure de s’adapter aux bouleversements de l’organisation du travail et de l’emploi dans le but de coller au mieux à la réalité du monde du travail. Depuis les années 1980, l’organisation du travail et la structure de l’emploi n’ont cessé d’être “fluidifiées” par les politiques néolibérales. Lutter en prenant en compte ces bouleversements, c’est-à-dire en adaptant sa pratique et son organisation interne à ces bouleversements, ce n’est pas les promouvoir, c’est seulement réaliser que nous nous sommes fait dépasser par les réformes bourgeoises et que nous n’avons plus d’autre choix que de nous dépasser nous aussi pour faire évoluer la lutte dans le bon sens.

Cette défaillance de la CGT à l’égard des évolutions de l’organisation du travail et de la structure de l’emploi pourrait être partiellement contrée par une évolution de l’organisation interne de la Confédération. Sans travail de fond et de terrain, ces évolutions pourraient n’avoir aucun impact, mais nous jugeons de par notre expérience que le système actuel des fédérations mérite d’être repensé pour être plus efficace. Cependant, à l’heure actuelle, la défense du ‘pré carré’ de chacune des fédérations et des avantages matériels qui en découlent empêche toute restructuration interne.

Nous pourrions aussi évoquer les problèmes de syndicalisation que pose la sous-traitance dans les entreprises, qui empêche de faire travailler dans le même syndicat des travailleurs présents sur le même lieu de travail du fait de leur assignation professionnelle différente. Il s’agit d’un débat de fond à mener au sein même de la CGT et qui ne s’élabore véritablement que dans la pratique par l’expérimentation et le recul critique. Nous développons également cette idée dans l’ouvrage “Des mains qui pensent”, lorsque se pose le problème de l’adhésion des étudiants à la CGT, même ceux ne disposant pas d’un contrat de travail, adhésion qui entre donc en contradiction avec les statuts actuels de la CGT. Une des voies que nous défendons en interne est notamment l’évolution des statuts de la Confédération à propos des travailleurs en formation, qui selon nous devraient trouver une place légitime et formelle dans la centrale.

Il n’y a d’ailleurs pas que dans le salariat traditionnel que les chiffres de syndicalisation sont alarmants. Chez les apprentis, ce taux est abyssal alors que chaque année les politiques gouvernementales gonflent le nombre de ces travailleurs en formation. Globalement, c’est dans toutes les couches les plus précaires du prolétariat que la situation est alarmante. Ce manque de militants se retrouve dans les syndicats, les unions locales ou même les unions départementales, qui sont en règle générale portées par une poignée de militants vivant dans un entre-soi de fait. On retrouve un petit nombre de militants dont une grande partie de l’énergie est aspirée par une tendance à la multiplication des réunions sans forcément de lien avec une activité de terrain. La part non négligeable de syndiqués individuels (sans syndicats auxquels se rattacher) et d’adhérents dans des “petits” syndicats renforce cet isolement aux conséquences organisationnelles et politiques négatives.

Une autre conséquence de la faiblesse numérique et du manque de rigueur dans les comportements militants est la porte laissée ouverte aux dérives bureaucratiques et à l’arrivisme tant il est aisé de monter jusqu’à un certain niveau hiérarchique faute de formation militante et de candidats aux différents postes.

Le manque de formation pratique et théorique provoque un manque de vision, voire une absence totale de stratégie ; c’est la perpétuation d’un militantisme routinier se recroquevillant sur lui-même au fil des années. La multiplication des manifestations, considérées comme alpha et oméga d’une lutte réussie, est un exemple criant de ce manque de vision stratégique d’ensemble. Expression d’un moment du rapport de force, elle est progressivement transformée en rapport de force lui-même, une dérive qu’on retrouve paradoxalement également dans les milieux autonomes.

Même lorsqu’une lutte ravive momentanément la structure ou qu’une victoire locale provoque un nouvel enthousiasme, le manque de propositions et de communication empêche une transformation qualitative de l’ensemble de la structure. Cela est également dû à un cloisonnement intra et inter-syndical, dans lequel il arrive souvent que seuls les différents bureaux soient en contact. La base des syndiqués est quant à elle écartée et n’a souvent de contact qu’avec ses camarades d’entreprise. Il s’agit également d’un phénomène interne aux différents syndicats, les directions réalisant la majorité du travail sans impliquer leur base. Ce problème est d’ailleurs lié à la nature du travail effectué par les syndicats, les différentes réunions d’instances remplaçant le contact avec le terrain.

On pourrait, et cela serait vrai dans une certaine mesure, accuser les directions locales de ne rien faire pour modifier cet état de fait. Pourtant, il nous apparaît que, dans une majorité des cas, le problème ne réside pas tant dans une volonté des directions d’écarter leur base, mais dans un manque de moyens pratiques et théoriques à leur disposition pour y parvenir, voire dans le pire des cas, dans une ignorance du problème. Il existe pourtant des formations à la CGT qui pourraient pallier ces problèmes organisationnels et pratiques. Celles-ci sont toutefois très axées sur des compétences techniques (compétences très importantes au demeurant) ne permettant pas aux militants d’acquérir la vision d’ensemble nécessaire à l’élaboration d’une stratégie ou du moins une compréhension plus grande des enjeux.

Ce conditionnement de l’offre de formation à la CGT n’est pas anodin ; il est le résultat d’une perte de savoir-faire et de comportements militants qui relèvent également de la formation politique, comprise comme non-institutionnelle. Depuis les années 1970, consécutivement à l’écroulement du nombre d’adhérents, on assiste à une institutionnalisation des syndicats de lutte qui proviennent pourtant en France de la tradition syndicaliste-révolutionnaire, historiquement considérée comme subversive au regard des institutions. Cette institutionnalisation a été voulue et mise en place par les gouvernements bourgeois successifs, notamment lors du premier mandat de Mitterrand en 1982 (lois Auroux). D’un point de vue naïf et pragmatique, l’institutionnalisation de la CGT lui a permis d’adopter de nouvelles formes d’action et d’intervention, sur de nouveaux terrains, comme la connaissance du domaine juridique et le recours au tribunal des Prud’hommes, par exemple. Ce processus d’institutionnalisation a même développé la légitimité de la représentativité en entreprise. Mais au lieu de se doter de ces nouveaux outils et de préserver sa combativité de classe et son modèle organisationnel et militant, la CGT s’est retrouvée engouffrée par son institutionnalisation à tel point que cette caractéristique est devenue matricielle de son activité. Cette institutionnalisation a par ailleurs conduit à la professionnalisation d’un nombre toujours plus restreint de militants dotés de compétences hyper-spécifiques et donc complètement déconnectés du reste des salariés, en plus d’introduire une forte dose de syndicalisme de service et de “technocratie” dans les pratiques militantes de la CGT. Nous critiquons ce revers, qui conduit désormais à ce que beaucoup de camarades n’arrivent à concevoir la CGT que comme un “partenaire social” dédié au “dialogue” avec d’autres institutions, et non comme un outil de lutte et d’émancipation collectif qui ne doit pas hésiter à provoquer l’ordre social établi quand les besoins de la classe des travailleurs l’exigent.

Ces constats négatifs ne doivent pourtant pas éclipser un certain nombre de victoires locales ou sectorielles obtenues par des militants et des militantes honnêtes et combatifs. Ils sont quelques-uns à inlassablement continuer à porter le drapeau et animer les structures préservant l’héritage ténu d’un glorieux passé. Mais si nous voulons reconstruire un syndicalisme rouge, le plus à même de défendre et de conscientiser la masse la plus grande possible de travailleurs, alors pour ce faire, nous devons avancer sans œillères et sans états d’âme.

Après ce rapide tour d’horizon de l’état critique dans lequel se trouve l’organisation historique des travailleurs en France, nous allons passer à la partie la plus controversée, critiquable et critiquée de la CGT, à savoir sa direction.

Sur la direction syndicale et la lutte contre celle-ci

La faiblesse du mouvement ouvrier français et le crash de son pendant partidaire ont amené la direction de la CGT à un certain nombre de choix d’orientations stratégiques, orientations incarnées par différentes directions toutes plus contestées les unes que les autres. Outre des élections à la transparence douteuse, ce sont les choix politiques et les bilans de ces directions qui sont sous le feu des critiques. La perte de son hégémonie et son hémorragie militante ont entraîné un réalignement droitier pour aller chercher une unité syndicale qui permettrait de pallier la faiblesse de la CGT. L’actualité de cette orientation est celle des discussions engagées avec la FSU en vue d’une possible fusion ainsi que de la volonté de préserver l’intersyndicale large née de la lutte contre la réforme des retraites.

En réalité, c’est même à la décomposition de leur structure à laquelle assistent les dirigeants de la confédération, et loin de proposer une réponse ou ne serait-ce qu’une analyse, la direction s’enfonce dans un profond déni. Elle s’enferme sur elle-même et, à défaut de proposer des stratégies ou des plans d’action, elle se contente de gérer les affaires courantes en même temps que ses pontes s’entretuent pour des places et du prestige. Il est d’ailleurs souvent difficile d’énoncer clairement quelle est la ligne de tel ou tel dirigeant confédéral sur des questions aussi brûlantes que la structuration, les stratégies de syndicalisation ou d’implantation dans de nouveaux secteurs, tant ces questions sont évacuées.

À rebours d’une partie de la gauche révolutionnaire, nous considérons toutefois que lutter contre l’orientation liquidatrice de la direction confédérale et des directions syndicales en général ne peut passer uniquement par la dénonciation de celle-ci. Penser les compromissions du sommet comme seule source des problèmes de la base est une erreur profonde d’analyse politique. S’engouffrer dans ces critiques sans contre-proposition revient au mieux à se fourvoyer et au pire à masquer sa propre faiblesse dans la construction d’une alternative politique. En effet, c’est d’une double influence mortifère que naissent les difficultés de la période. C’est la faiblesse théorique et pratique de la base qui laisse le champ libre aux pires opportunistes et leur permet de s’étendre et de gangrener la structure. Se mettre des œillères et considérer toutes les difficultés que rencontrent les luttes économiques comme étant la résultante des directions confédérales est pour nous une erreur. C’est par une lutte de longue haleine de construction à la base, une lutte pour reconstruire une force syndicale efficiente guidée par un mouvement communiste solide que nous rendrons à la CGT son envergure. Sans cela, les mots d’ordre de dénonciation de l’orientation confédérale ou de critique des directions syndicales resteront de belles paroles pleines d’une pureté inefficace. Dénoncer les compromissions, trahisons ou tout simplement l’incompétence de la direction de la CGT est nécessaire pour élever le niveau de conscience des travailleurs syndiqués mais cela doit toujours se faire accompagné d’une alternative théorique et pratique. Alternative souvent évoquée mais avec une matérialisation trop absente de la plupart des critiques les plus acerbes de la direction, et notamment du principal courant oppositionnel interne.

L’opposition interne est-elle une alternative ?

Il existe un courant en opposition totale avec la direction confédérale, ce courant est largement soutenu par le “milieu” marxiste-léniniste et, plus étonnamment, par une partie de la gauche trotskiste. Il s’agit de la tendance agglomérée autour du média “Unité CGT” et que nous qualifierons dans cet article de “tendance FSM”, par facilité mais aussi car ses partisans aiment mettre en avant leur appartenance à la Fédération Syndicale Mondiale. La candidature d’Olivier Mateu au 53ème Congrès de la CGT a matérialisé cette tendance, soutenue par les UDs du 13, du 59, du 94 ainsi que par la fédération de la Chimie. Elle incarne à l’heure actuelle ce qui se rapprocherait le plus d’une opposition organisée au sein de la confédération. En effet, elle concentre les aspirations d’une partie combative de la CGT en rupture plus ou moins consciente avec les orientations de la direction. La raison de la popularité de la campagne d’Olivier Mateu est à trouver dans le fait qu’elle a réussi à cristalliser cette rupture et à l’incarner avec un discours offensif.

Avant de s’attarder sur la ligne et la pratique de cette tendance, nous devons évacuer la question de la FSM. C’est en effet une question qui revient comme un serpent de mer au fil des congrès de la CGT. La réalité matérielle de cette question est pourtant souvent évacuée au profit de considérations historiques. La faiblesse du mouvement ouvrier international est telle que cette question est en réalité très secondaire et que les deux internationales (CSI et FSM) possèdent des défauts majeurs. La FSM, de par son alignement international campiste[1], et la CSI, par son caractère totalement mou et institutionnalisé. Les implications concrètes à la base de l’adhésion à ces internationales sont également systématiquement ignorées.

Il est donc nécessaire d’analyser concrètement la pratique de ce courant afin de connaître la réalité de ce qu’ils avancent. À y regarder de plus près, il ne nous apparaît pas de différence qualitative significative dans la manière dont est organisée l’activité. Certes, les mots d’ordre seront plus radicaux et la dénonciation du capitalisme plus affirmée, pourtant, on ne peut affirmer clairement que la CGT se porte mieux ici qu’ailleurs. Les structures sont souvent perclues des mêmes problèmes organisationnels et pratiques et les magouilles ne sont pas moins présentes ; la fédération du commerce en est un exemple de premier ordre[2]. Il existe bien sûr des exceptions à cela, de la même manière qu’il existe des exceptions parmi les syndicats hors de la FSM.

Au-delà de l’opposition syndicale se pose la question du rôle des organisations politiques dans la structure. Les luttes d’orientations syndicales se superposent et se confondent souvent avec des luttes d’appareils. On pourrait notamment évoquer la présence dans cette tendance de la “gauche” du PCF, parfois en double affiliation avec un groupuscule se revendiquant du marxisme-léninisme (PRCF, ANC, Rassemblement Communiste). Nous ne pouvons isoler la question de la direction syndicale de celle de la constitution du parti. Si nous voulons une direction juste pour la CGT, nous devons renforcer l’organisation, mais pour ce faire, nous devons déjà intervenir dans le syndicat.

Quelle intervention de RC dans la CGT ?

Depuis leur émergence au cours des années 70, les organisations se réclamant d’un communisme anti-révisionniste ont adopté des positions diamétralement opposées sur la CGT. Partant de la virulente opposition des organisations maoïstes, elles se confondirent bientôt avec la CGT, ne proposant plus aucune activité concrète en dehors de ses murs, si ce n’est de la routine propagandiste. De son côté, Reconstruction Communiste entend humblement renouer avec la conception de l’intervention des communistes dans les syndicats. Nous ne sommes toutefois qu’une jeune organisation, ne disposant pas encore des forces nécessaires au plein déploiement de notre ligne. Nous concevons notre intervention dans les syndicats comme un moyen de construction de l’organisation, de formation de nos membres, une voie pour imposer notre ligne. Pourtant, il nous paraît indispensable de construire en dehors, au risque de se faire happer par la chronophagie de l’engagement syndical et par sa dérive économiste. De plus, nous ne concevons pas notre engagement à la CGT comme un dogme indépassable ; un changement de contexte ou une offensive victorieuse contre notre intervention en son sein pourrait nous amener à construire en dehors de son cadre. Nous incitons également nos camarades à militer dans les syndicats les plus combatifs présents sur leurs lieux de travail ou d’étude, peu importe qu’ils soient affiliés à la CGT, à SUD, voire à une autre confédération.

Nous pouvons néanmoins établir un premier bilan de notre intervention. Il y a quatre ans, nous avons pris l’initiative de lancer le Syndicat des étudiant-e-s, lycéen-ne-s et apprenti-e-s de la CGT dans le seul département où nous étions implantés à l’époque, à savoir la Haute-Garonne. Nos moyens étaient à ce moment-là très maigres, nous ne disposions que d’un seul militant RC dans le syndicat. Pourtant, en impulsant la ligne juste dans nos organisations, en nous imposant comme les militants les plus formés, sérieux et organisés, nous avons réussi à recruter les éléments les plus avancés du syndicat et à nous développer, alors que progressivement la CGT SELA 31 devenait une force majeure dans la ville. C’est notre rôle, en tant que militants communistes, de pointer les limites de l’engagement syndicaliste à ces éléments avancés rompus à l’organisation d’une activité quotidienne de lutte.

Toutefois, nous ne pouvons passer outre le fait que malgré les précautions que nous avions en tête en nous lançant dans cette aventure, cela a ouvert la voie à un certain nombre de travers qui ont impacté notre organisation. En effet, durant cette période, la mise en retrait de l’activité purement RC a facilité les dérives du recrutement par affinité plutôt que par adhésion politique, et a entraîné un retard dans le développement de RC par rapport aux organisations de masse dans lesquelles nous intervenons. Nous devons toujours privilégier le développement de l’organisation politique car c’est elle qui guide notre intervention dans les syndicats et cela ne doit pas être l’inverse.

C’est par la lutte pour la reconstruction d’un parti communiste en France et les cadres qui émergeront de cette lutte que nous pensons en définitive qu’il est possible de faire renaître un syndicalisme de classe. Mais nous devons veiller à ne pas tomber dans la posture du clerc marxiste qui taxerait de “réformistes”, comme une excommunication, toutes les luttes économiques. Si elles le sont de fait, elles restent un puissant moyen de formation pratique et organisationnelle et une étape nécessaire à la formation de militants communistes.

Conclusion

Nous ne devons ni sacraliser la CGT ni entretenir sa légende noire ; si on la dépouille de son prestige et de son histoire, ce n’est en dernière analyse qu’un outil pour notre classe. Un outil pour construire le parti, car c’est là qu’est le point essentiel sur lequel tout communiste doit s’appuyer lorsqu’il doit juger de l’intervention dans le syndicat. Or, le chemin pour la reconstruction d’un parti communiste en France est immense et, si l’on devait épurer au maximum notre analyse, il ne resterait qu’un constat : nous devons nous mettre immédiatement au travail. Il y a dans la CGT des milliers de militants sincères, qui luttent quotidiennement pour la défense des intérêts les plus immédiats. Nous ne les convaincrons jamais avec seulement les critiques des orientations de leurs chefs ou par de l’incantation théorique ; c’est par la confrontation directe de notre ligne et de la pratique que nous pourrons faire de ces militants les cadres communistes dont nous avons besoin pour ne plus simplement subir dans des luttes défensives mais bel et bien passer à l’offensive.

  1. Illustré par la controverse sur leur position sur le régime iranien
  2. Voir les articles du site http://ouvalacgt.over-blog.com/ à ce sujet