Une brève : les fake news

Nous vous présentons une brève qui invite à la réflexion concernant la notion de « fake news », et plus généralement à propos de l’usage de l’information en politique. À ce titre, le contexte actuel est parfaitement approprié pour la présentation qui va suivre : Mark Zuckerberg, chef de l’entreprise Meta, vient par exemple de supprimer le fact-checking de l’information dans l’entreprise, sous couvert de « liberté d’expression ». Un élément d’actualité de plus qui nous conduit à nous questionner quant à la validité de l’information mise à notre disposition, notamment par les géants du numérique.

Aux élections américaines de 2016, le candidat Donald Trump surprend tout le monde. Pris pour un bouffon qui voulait être roi, son épopée foutraque prend fin le 8 novembre 2016 – c’était un mardi – et le voici élu 45ème Président des Etats-Unis d’Amérique. Il réitère l’expérience en parvenant à se faire élire pour un deuxième mandat aux élections présidentielles américaines de 2024. Son partenaire dévoué, Elon Musk, lui avait préalablement rendu accès à son compte Twitter (auparavant suspendu) après avoir racheté cette même entreprise. Indéniablement, la gestion fallacieuse et parfaitement réfléchie de l’information a été salutaire pour la carrière politique de Trump.

D’autres présidents et premiers ministres, ministres du Conseil, suivront l’exemple de Trump, appliquant une méthode désormais répandue dans la classe politique bourgeoise : mentir éhontément et sans le cacher, à coup de “fake news”.

Pourquoi ce concept de “fake news” ? Ne serait-ce pas finalement qu’un mensonge politique, et rien de plus ?

Non : en réalité, les “fake news” sont une partie de l’ensemble des mensonges politiques. Si l’on traduit en français “fake news”, on obtient “fausses informations ». 

Oui… mais pas exactement. Entre “fausses informations” et “fake news”, les objets finaux sont les mêmes (des histoires qui passent pour être des descriptions justes d’événements réels), mais le processus de constitution est différent : les “fake news” sont de fausses informations volontairement créées et propagées. Ce n’est pas dans l’objet décrit – le concept abstrait – que réside la différence, mais dans le processus qu’il prétend décrire. Ainsi, la “démocratie” n’est pas une chose en elle-même, mais c’est une façon pratique et condensée de nommer le processus de décision collective, qui fait intervenir une masse de citoyens, chacun représentant une voix, etc.

Il manque un mot dans cette description de la démocratie, c’est “éclairé” : pour qu’une personne puisse faire un choix pertinent, elle doit avoir un raisonnement éclairé. Il lui faut donc plusieurs éléments : qu’elle connaisse les informations pertinentes concernant son choix, qu’elle soit consciente du contexte dans lequel elle prend sa décision, qu’elle soit attentive à sa manière de juger de son raisonnement, qu’elle ait une idée des conséquences possibles de son vote, etc.

Les informations sont nécessaires à tout régime électif, et donc également aux démocraties des Etats modernes. C’est la voie royale pour manipuler les personnes, donc leur idéologie, donc leur vote. Car ce n’est que par la question du vote que la majorité des médias occidentaux conçoivent l’expression des idées politiques.

On pourrait résumer de cette façon : les “fake news” sont des informations délibérément fausses, destinées à changer la mentalité des personnes, et dont le but final est de faire élire des personnes ou des partis politiques particuliers.

Mais quelque chose manque dans cette définition pour qu’elle légitime l’utilisation du terme “fake news” : les possibilités offertes par Internet.

Les débuts d’Internet, aux Etats-Unis d’Amérique, sont assez cocasses : ce sont des hippies à tendance libertaire qui, employés par l’armée, créent le premier réseau numérique décentralisé. Internet a commencé comme un système d’échanges de mail, puis les liens hypertexte sont apparus, permettant de lier des textes les uns aux autres : les premiers sites internet. La toile commence à se développer, sur une base construite de forums de discussion et de sites. La prolifération des sites fait émerger des annuaires qui trient ces derniers par catégories. Quelques années passent, et les plateformes de stockage de vidéos se multiplient en même temps que les moteurs de recherche. Le réseau décentralisé commence à créer “de lui-même” des sites qui deviennent indispensables : des moteurs de recherche, des boutiques en ligne. Alors que ce réseau n’est pas physiquement centralisé au moment de sa conception, les comportements sociaux, dictés par des possibilités économiques, ont recréé des sites centralisateurs, et les lois du marché ont fait se concentrer la plus grande part des serveurs physiques entre les mains de quelques multinationales. C’est dans cet environnement qu’apparaissent les réseaux sociaux modernes : interface unifiée, facilité d’utilisation, annuaire des utilisateurs, partage des informations. Ces réseaux sociaux sont soucieux de “satisfaire les utilisateurs”, c’est-à-dire de les manipuler pour qu’ils reviennent sur ces sites, encore et encore. Pour cela, ils collectent les centres d’intérêts des individus pour leur proposer les pages, personnes, sujets, qui les intéressent le plus. Tout cela crée des “bulles informationnelles”, qui, si elles semblent efficaces, enferment les utilisateurs dans ce qu’ils connaissent déjà, ce qui conforte leur point de vue et leur vision du monde.

Il est toujours intéressant de comprendre comment une entité économique peut exister, et continuer à exister. Économiquement parlant, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche fonctionnent avec des publicités ciblées et de la vente de données personnelles, destinées principalement à faire de la publicité ciblée sur d’autres plateformes. Ces données sont aussi utilisées par les réseaux sociaux afin de proposer des thèmes et des sujets qui intéressent les utilisateurs, fonctionnement qui les rend captifs du réseau social en question. D’ailleurs, des neuroscientifiques participent à ces entreprises, pour que cette captation soit la plus efficace possible. Si on résume : la grande partie des sites internet gratuits se financent grâce à de la publicité, c’est-à-dire que c’est la publicité pour l’achat de nouveaux produits qui permet à la structure du virtuel d’exister. Bien évidemment, le monde virtuel a ses propres règles de comportement, mais il repose sur des mécaniques économiques assez classiques.

On assiste à une concentration de plus en plus importante des sites internet. Les “fake news” n’échappent pas à ce phénomène : des usines à mensonge existent, ce sont des entreprises capitalistes qui obéissent à des commandes. Elles savent cibler les bonnes personnes et les bons réseaux sociaux pour maximiser le potentiel de propagation. Ce sont finalement des agences de communication digitale assez classiques. Une autre branche de création de fake news vient du monde militant. L’idéologie politique se drape souvent de vertu, mais dans les faits elle est souvent pragmatique et machiavélique : la fin justifie les moyens, donc on peut se permettre de mentir, puisqu’au final, on a raison. C’est une vision cynique de la politique, mais diablement efficace.