Voilà plus d’un an et demi que le silence règne sur le site et les réseaux sociaux de Reconstruction Communiste. À l’heure du tout numérique, cette absence peut être interprétée comme un décès politique, mais est-ce vraiment notre cas ?
La réponse est non. Je profite donc de cet éditorial qui annonce un nouveau souffle sur notre site et une nouvelle étape dans le développement de RC pour fournir toute la lumière nécessaire à comprendre ce qui a motivé notre vœu de mutisme. Afin de bien saisir ce choix, il nous faut revenir à la réflexion sur les organisations politiques et leur rapport aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, une communication internet bien maîtrisée peut créer l’illusion d’un travail effectif quand bien même il est inexistant. Les exemples abondent sur Twitter, Instagram et autres sites militants avec leurs publications quotidiennes, les vidéos caméras au poing et articles d’analyses à chaud de l’actualité. Les organisations révolutionnaires qui suivent cette ligne occupent un espace numérique important et peuvent avoir une réelle influence sur les niches de militants du net. Cet investissement journalistique marxisant est pourtant inversement proportionnel à la prise sur le réel de ces organisations. Faire écho aux luttes du prolétariat est une bonne chose, en faire partie prenante et les faire triompher c’est mieux. Commenter les débats historiographiques passés peut être intéressant, se retrousser les manches pour organiser les éléments actifs de notre classe l’est bien plus. Être journaliste militant est un choix, être militant révolutionnaire en est un autre.
Reconstruction Communiste a donc considéré, il y a de cela plus d’un an et demi, que nous ne communiquerions plus sur notre travail, que nous remettions à plus tard le développement de notre site car il fallait avant tout bâtir un noyau organisationnel fonctionnel. Nous considérons que la communication sur les réseaux doit refléter la réalité de notre activité et que nous ne devons pas perdre notre temps à négliger le terrain, la formation de nos membres pour une vitrine contrefaite de RC.
Légitimement, nous pouvons nous demander : quel a donc été ce travail pendant plus d’une année de silence ?
Conformément à notre document d’orientation voté lors de la IIe et renouvelé lors de la IIIe réunion plénière de Reconstruction Communiste, nous nous sommes concentrés sur le travail au sein des organisations de masse. Nous avons notamment travaillé au développement des syndicats CGT-SELA en France et à la diffusion du concept de “travailleurs en formation” pour qualifier le monde des apprenants. En ce sens, nous avons produit un document théorique d’ampleur, demandant plus de 6 mois de travail et de recherche, le tout pour fournir un socle solide au modèle syndical que nous soutenons et que nous avons en grande partie impulsé. Ce travail s’est matérialisé sous la forme du livre : Des mains qui pensent. Trois facteurs nous ont amené à privilégier le travail de masse. Tout d’abord, nous considérons qu’à l’heure actuelle, le niveau de conscience dans la classe laborieuse est un des plus faibles de son histoire ; le travail d’organisation à la base devient donc une priorité. Dans un second temps, l’évolution de l’organisation du travail dans les pays capitalistes avancés comme la France nécessite une analyse complète des transformations du monde social pour pouvoir répondre au mieux à la réalité. Le modèle CGT-SELA et le travail d’analyse théorique qui l’accompagne représente un premier pas en ce sens concernant les travailleurs en formation, avec la considération du renforcement et de la professionnalisation de l’enseignement supérieur, la situation particulière et de plus en plus charnière des apprentis. De plus, l’actualité des réformes du gouvernement donne raison à notre analyse et la réponse que nous lui opposons semble à l’heure actuelle la plus opérante. Enfin, nous pensons qu’à l’heure actuelle, la CGT n’est plus à la hauteur des enjeux historiques que nous connaissons, elle se trouve rongée par de nombreux maux que nous entendons combattre : bureaucratie, déviation de droite et de gauche, pénétration de l’idéologie libérale identitaire, perte de compétences d’organisation et de lutte. Cependant, face à ces problèmes, nous ne choisissons pas le camp des vautours qui, électoralistes comme pseudo-révolutionnaires, viennent se servir dans la CGT, lui demandant toujours des comptes sans jamais la renforcer. Reconstruction Communiste, malgré les critiques qu’elle peut lui faire, considère la CGT comme la dernière grande organisation du prolétariat en France et nous nous battrons pour revivifier ce formidable outil de lutte et d’émancipation. Cet investissement de nos militantes et militants dans la CGT nous a permis de grandir, de renforcer RC. Nous y avons trouvé des camarades de valeur, un cadre d’apprentissage de la lutte qui a fait raisonner en nous les mots de Lénine qui disait que les syndicats étaient “l’école du communisme”. Les difficultés que nous avons affrontées, les efforts que nous avons fournis nous ont rendus plus forts et déterminés.
Ainsi, Reconstruction Communiste ne ressemble déjà plus au petit groupe que nous étions deux ans auparavant. Nos structures internes et externes de formation se développent, nos camarades s’enhardissent, de nouvelles perspectives s’offrent à nous et déjà nous pouvons annoncer que l’organisation s’étendra prochainement dans d’autres grandes villes du pays. Ce développement ne plaît pas pour autant à tout le monde. Notre absence sur les réseaux a pu rassurer certains de nos adversaires qui nous pensaient disparus. Les organisations qui se trouvent en contact avec nous par la lutte, elles, ont pu constater que nous sommes bien vivants et que nous avons soif de grandir et de construire les outils des luttes de demain. Nos adversaires nous ont, eux, honorés depuis deux ans de nombreux adjectifs. Nous étions tantôt des “maoïstes acharnés”, de perfides “agents de la France Insoumise” et bien sûr, le classique mais indépassable, “staliniens invétérés”. Ces attaques ne nous ont pour autant jamais arrêtés ni chagrinés car elles ne portaient jamais sur le fond de notre travail. La réalité du petit monde de la gauche révolutionnaire, par contre, est elle bien plus triste. Les anti-staliniens d’hier ont largement intégré tous les défauts qu’ils dénoncent bien souvent à juste titre : dogmatisme, ossification organisationnelle et théorique, opportunisme, manœuvres bureaucratiques, pressions sur les individus, anti-démocratisme… La croisade menée contre les “staliniens” pendant toutes ces années les aura finalement aveuglés sur le développement de leurs propres défauts. Destin tragique s’il en est. Que veut bien pouvoir alors dire “stalinien” dans la bouche de nos adversaires ? Est ce que ce terme serait aujourd’hui devenu synonyme de militantes et militants œuvrant sans relâche sur le terrain ? Organisant les membres de notre classe dans les syndicats ? Toujours en alerte concernant la formation des camarades pour leur émancipation ? Et si, sans nous en rendre compte, ce terme était devenu label de qualité militante ? J’arrête ici ma digression car ce débat est infini. Nous déclinons donc tous ces poncifs pour nous qualifier plus simplement de marxistes-léninistes, plus sobrement de communistes ou encore de révolutionnaires. Tout ceci n’a de toute façon que peu d’importance. Ce sont les actes et la ligne qui définiront in fine quel nom nous pourrons légitimement revendiquer.
Les actes seront d’ailleurs déterminants dans les cinq prochaines années que nous allons traverser. La crise économique est amorcée, l’inflation menace déjà le niveau de vie des prolétaires, les pénuries de matériaux handicapent les entreprises. La crise climatique, la guerre inter-impérialiste en Ukraine, la contraction économique des USA, les mutations économiques et sociales en Chine, laissent penser que 2022 ne peut être considérée comme une année isolée dans la période d’instabilité qui s’est ouverte à nous avec la Covid-19 et qui prend racine jusque dans les années 1980. La France saura-t-elle traverser indemne cette période ? Le contexte politique dans le pays ne présage pas le calme. La situation à l’Assemblée Nationale, avec la perte de la majorité absolue par le gouvernement Macron, l’arrivée massive de députés RN, la coalition de gauche NUPES, annoncent de potentielles crises politiques durant le quinquennat ; à moins que les libéraux concèdent à la droite réactionnaire une alliance officieuse, ce qui semble se dessiner à l’heure actuelle. Face aux difficultés qui s’amoncellent, Reconstruction Communiste entend prendre part au combat historique pour l’émancipation du prolétariat et le socialisme. Nous ferons tout notre possible, à la hauteur de nos modestes forces, pour construire et développer les outils qui permettront de faire triompher ces idéaux qui nous animent et qui sont aujourd’hui plus que jamais nécessaires.
Ce premier éditorial que j’inaugure en qualité de Secrétaire Général de Reconstruction Communiste introduit le retour de nos publications théoriques sur le site. Le rythme de publication dépendra de l’intensité de la demande du terrain, mais nous disposons désormais d’assez de forces pour vous fournir régulièrement des analyses qui vous permettront peut-être de voir les sujets que nous traitons sous un angle différent de celui des autres organisations révolutionnaires. Nous poursuivrons aussi la publication de prises de positions, de propositions programmatiques de RC qui témoigneront publiquement de l’avancée de nos réflexions et de notre développement. Les réseaux sociaux seront eux aussi bientôt retravaillés, mais ce projet reste secondaire face à notre priorité au développement du travail de masse et de terrain. J’espère que cet éditorial vous fournit un éclairage suffisant concernant la situation de Reconstruction Communiste et vous donnera envie de suivre, de participer à notre travail.
Défendons nous, organisons nous.
Secrétaire Général de Reconstruction Communiste